• «On paie le choix politique de l'Union : le néolibéralisme»

    Jean-Marie Harribey est professeur d'économie à l'université Montesquieu-Bordeaux-IV, membre de la Fondation Copernic et vient d'être élu coprésident d'Attac.



    Libération du 28/12/06

    Assiste-on à une crise de confiance vis-à-vis de la monnaie unique ? 


    Oui, et elle est basée sur un double phénomène. D'un côté, la méfiance grandissante des usagers ordinaires, qui voient leur pouvoir d'achat s'éroder. De l'autre, l'engouement des marchés financiers, qui spéculent sur l'appréciation de l'euro par rapport au dollar. D'un côté, les citoyens qui voient bien la simultanéité entre la mise en place de l'Europe économique et la détérioration de leur salaire. De l'autre, le boom d'une minorité qui s'enrichit via la bulle financière et immobilière.
    Autrement dit, l'euro paierait pour l'explosion des dépenses de logement ou de transport ? 

    Pas uniquement, mais il est vrai que l'indice des prix ne reflète plus les difficultés des ménages. La Banque centrale européenne (BCE) reste les yeux rivés sur l'inflation traditionnelle. Mais le risque de l'inflation réelle s'est déplacé : vers les coûts induits dans l'immobilier et l'énergie, qui connaissent par ailleurs une formidable spéculation. Une inflation s'est substituée à une autre : celle de l'indice des prix classiques, qui tournent autour de 2 % ; celle des actifs financiers et immobiliers, qui culmine à des niveaux bien supérieurs à 10 %.

    L'euro est-il victime d'une absence d'Europe politique ? 
    Non, on paie justement le prix d'un choix politique et philosophique clair et précis : le néolibéralisme. L'UE ne s'est pas constituée depuis vingt ans sur la quête d'un mieux disant démocratique, mais au contraire d'un faire-valoir économique. Quand on se fixe comme objectif, au nom d'une «concurrence libre et non faussée», de démanteler les acquis sociaux, de déréguler les services publics, de revenir sur les limites hebdomadaires de temps de travail, de saper l'âge minimum de la retraite, l'Europe et donc l'euro ne sont plus un idéal, mais l'illustration d'un cauchemar. L'euro n'est pas, en soi, une mauvaise chose. Il est juste devenu le symbole de la mise en compétition des hommes et des salaires dans l'Europe des 25...

    Les statistiques européennes ne montrent pas une hausse des inégalités... 

    Si, quand on s'attache à d'autres critères que ceux monétaires. La distorsion est patente. Depuis vingt ans, les salaires sont déconnectés des courbes de productivité, qui vont au seul capital au détriment du travail. On peut rétorquer que la BCE a autorisé un coût de crédit très accommodant avec des taux d'intérêt historiquement bas. Mais à quoi cela a-t-il servi ? A permettre de faire tourner l'économie casino, faciliter la valse des fusions-acquisitions. Et non à favoriser une dynamique économique.

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  • Aujourd'hui le conseil des gouverneurs de  la Banque Centrale Européenne (BCE), dirigée par Jean-claude Trichet, devrait relever son principal taux directeur d'un quart de point, pour le porter à 3,50%, au plus haut depuis cinq ans, alors que l'euro s'échange déjà contre plus de 1,30 dollars. (AFP 6/12/06)
     
    La forte appréciation de l'euro face aux autres monnaies, le dollar mais aussi le Yen, n'est pas sans poser de graves problèmes de compétitivité aux industries européennes, en renchérissant le prix des produits en provenance de la zone euro. D'ailleurs,  le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz estime que « La BCE devrait s'inquiéter du fort niveau de l'euro et abaisser ses taux d'intérêt ». Réaliste, il ajoute : « Mais la Banque centrale restera probablement passive sur la vigueur de la monnaie unique, bien qu'elle accentue la faiblesse de l'Europe ». (La Tribune, 5/12/06).

     
    Cette situation préoccupante semble enfin faire sortir les politiques de leur torpeur : Ainsi donc, entend-t-on un peu partout des membres éminents du gouvernement français (Villepin, Sarkozy, Breton) partir en guerre contre « l'euro cher » qui pénalise nos exportations.

    Si ce réveil est salutaire, il demeure pourtant tardif et, surtout, fleure bon l'hypocrisie : Ce sont les mêmes hommes et femmes politiques qui ont constamment soutenu les politiques menées depuis 1983 (puis Maastricht et la Constitution européenne)...et qui allaient précisément dans le sens d'une priorité accordée à la gestion restrictive de la monnaie pour lutter contre l'inflation, y compris au détriment de la croissance et de l'emploi :  Désinflation compétitive, Franc fort, indépendance de la banque de France, puis création d'une BCE indépendante n'ayant comme seul objectif la lutte contre l'inflation et surtout n'ayant aucun compte à rendre aux politiques. 

    Qu'on se rassure cependant, certains campent encore et toujours sur leurs positions : Ainsi le Commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires Joaquin Almunia, estime que la hausse de l'euro "suscite certains problèmes pour le secteur exportateur", mais qu'il n'y a "aucune raison d'être alarmé par la situation". Il considère par ailleurs que le niveau actuel des taux d'intérêt de la Banque centrale européenne, n'est pas un frein pour la croissance. A ses yeux, "les raisons pour lesquelles nous avons des taux de croissance plus faibles dans la zone euro sont plutôt d'ordre structurel". (La Tribune 29/11/06).
     

    Inflation faible, mais croissance faible
     
    Par ailleurs, les partisans d'un relèvement des taux mettent en avant certains éléments conjoncturels : l'ascension du crédit, le prix élevé du pétrole ou encore l'amélioration sur le front de l'emploi et le risque de spirale inflationniste liée à d'éventuelles fortes hausses salariales. Ainsi, la BCE prévoit elle une inflation 2,4 % en 2007, soit légèrement au dessus du seuil de 2% jugé « tolérable » par la BCE. (AFP 4/12/06)
     
    Le seuil de 2% semble d'ailleurs être aussi le niveau « tolérable » en matière de croissance économique : la BCE vient de « relever » ses prévisions de croissance pour 2007, à 2,2% ou 2,3%, contre « seulement » 2,1% auparavant. Face à tel bon de la croissance, un tour de vis monétaire s'imposait indiscutablement.
     
    Voici donc le monde merveilleux de la BCE où un taux de croissance à peine supérieur à 2% est considéré comme un indicateur de « la bonne santé de l'économie de la zone euro » et où l'amélioration de l'emploi n'est pas loin d'être une mauvaise nouvelle en raison des risques de hausses des salaires !
    Mais, l'essentiel n'est pas là, car Jean-Claude Trichet est pleinement satisfait : " notre politique monétaire s'est avérée efficace et crédible" (Reuters, 29/11/06). Efficace pour qui ?

    Une économie rentière contre la production et l'emploi
     

    En fait, deux arguments sont couramment avancés pour justifier le niveau de l'euro et la politique monétaire de la BCE.

    En premier lieu, l'euro fort permet de diminuer l'impact du prix élevé des hydrocarbures, libellé en dollar. Plus largement, une monnaie forte permet effectivement de réduire le prix des produits importés, ce qui bénéficie aux entreprises importatrices et éventuellement aux consommateurs. Ainsi voit-on clairement se dessiner la portrait robot des bénéficiaires de l'euro fort : La grande distribution, qui peut importer à un prix avantageux des marchandises déjà fabriquées dans des pays à bas coût de main d'œuvre, pour ensuite les revendre aux consommateurs européens.  

    Ceci nous amène directement, au second argument des partisans de l'euro fort : L'Allemagne, qui demeure le premier pays exportateur malgré le niveau de la monnaie unique. Dés lors, le manque de compétitivité de l'économie française serait surtout à rechercher dans le sempiternel « manque de réformes structurelles »... Pourtant, a y regarder de plus prés, le cas de l'Allemagne est singulier : son industrie est certes extrêment dynamique, mais elle bénéficie souvent d'un positionnement sur certaines niches à forte valeur ajoutée (mécanique de précision, automobiles de luxe...) qui rend nombre de ses produits moins sensibles aux variations de prix et les exposent moins directement à la concurrence internationale.

    Et pourtant, le positionnement des produits ne suffit pas expliquer le succès des exportations allemandes. Celui-ci est aussi, en grande partie, basé sur les délocalisations et la compression des coûts salariaux. Ainsi, de nombreuses entreprises allemandes ont délocalisé une partie de leur production hors de la zone euro, bénéficiant ainsi des plus faibles coûts de main d'œuvre des pays de l'est et d'un euro élevé lorsqu'elles importent cette production sous-traitée. Comme le souligne le magazine L'Expansion de décembre 2006 (p 74), les produits « made in Germany » sont en réalité fabriqués à l'étranger à 40 %.  Parallèlement, les salariés allemands sont loin de bénéficier du dynamisme de leurs entreprises. Le taux de chômage reste élevé (même si la réunification pèse lourd) et le gouvernement de Grande coalition SPD-CDU vient de décider de reculer l'âge de la retraite de 65 à 67 ans d'ici à 2012. Au sein des entreprises, le « chantage à la délocalisation » s'est développé pour contraindre les salariés à accepter, sans compensation, une augmentation de leur temps de travail (retour au 40 heures hebdo) ou des concessions salariales.

    Finalement l'euro fort est à la base d'une économie rentière (pour reprendre la formule de l'économiste Alain Cotta ), qui se préoccupe prioritairement de la stabilité des revenus financiers (dont les placements sont pénalisés par l'inflation) et qui avantage les multinationales qui peuvent sous-traiter leur production hors de la zone euro.

    Les grands perdants sont les entreprises qui maintiennent finalement leurs structures de production (et donc l'emploi) dans la zone euro et qui font face à la concurrence internationale. Les consommateurs bénéficient dans une certaine mesure de l'euro fort, mais les salariés en pâtissent... et sans emploi et sans perspectives salariales pas de consommation ! 

    Retrouver une véritable politique monétaire


    Toute politique monétaire est délicate à mettre en œuvre, ne serait-ce qu'en raison des objectifs contradictoires qu'elle doit poursuivre (liquidité, inflation, croissance, ...). Mais dans la zone euro, où les divergences entre pays sont réelles et parfois importantes, il est encore plus difficile d'arriver à une politique qui réponde aux diverses situations économiques. L'indépendance d'une banque centrale n'ayant à prendre en compte que la seule variable de l'inflation avait pu paraître comme une solution pour éviter de trop lourdes et trop complexes prises de décisions. Ce système, entaché à la base d'une illégitimité démocratique, montre aujourd'hui ses limites économiques. Il grand temps que la politique reprenne ses droits et assume ses devoirs en matière monétaire.  

    Comme il l'a été proposé par certains candidats à la présidentielle (Chevènement , Dupont-Aignan et d'autres), il faudrait, non seulement que les statuts de la BCE soient modifiés pour lui assigner des objectifs de croissance, mais surtout que les gouvernements européens, via l'eurogroupe, puissent orienter les décisions monétaires. Cette réforme – a minima – est indispensable si l'on veut que la zone euro renoue avec la croissance et l'emploi.

    Monsieur Jean-claude Trichet en prendra certainement ombrage ; mais au moins les gouvernements devront à nouveau assumer devant les peuples les choix de politique monétaire ; et, surtout, ils ne pourront plus se défausser de leurs responsabilités en soutenant la création d'une BCE indépendante pour ensuite critiquer la politique monétaire qu'ils lui avaient assigné. 

    Si l'aveuglement devait se poursuivre, c'est le principe même de la monnaie unique qui se verrait remis en cause...

    Franc-tireur


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  • Non au viol du peuple par la propagande massive, en faveur du couple Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, candidats officiels de l'Europe fédérale, néo-libérale, antisociale et atlantiste !

    Notamment depuis le référendum et dans la perspective de la prochaine élection présidentielle, tout se passe comme s'il sévissait sur l'Europe un système masqué imposant des décisions stratégiques et tactiques, dans l'intérêt du processus de mondialisation néolibérale et de la maîtrise de l'un de ses instruments, la construction d'une Europe fédérale des länder*, sous le contrôle totalitaire d'une oligarchie anti-nations. Ce système dispose  d'un pouvoir sans partage, contre les peuples et utilise sans nuance un appareil envahissant que l'on peut qualifier  de propagandastaffel, et qui, avec le concours de la droite et de la fausse gauche maastrichtiennes, pratique un lavage de cerveaux permanent, afin de manipuler le peuple de France. Allègrement, le parti socialiste est globalement impliqué dans ce viol du peuple. Tout comme l'UMP de Nicolas Sarkozy. Du « pareil au même» disions nous déjà en 2002.


    « ...Nous avons menti matin, midi et soir... »
    Aveu du Premier Ministre, socialiste, de Hongrie, Ferencs Gyurcsany.

    Le mensonge comme instrument de manipulation politique. La majorité significative des Français qui a voté non au référendum sur la constitution européenne a choisi ce rejet historique, précisément parce qu'elle ressentait bien le caractère antisocial, antirépublicain, atlantiste et antinational, (dans le sens populaire et ouvrier du terme, que soulignaient déjà Marx et Engels) de ce texte.

    La majorité du parti  socialiste et en premier lieu Ségolène Royal, ont appelé à voter oui, contre la souveraineté populaire et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Comme son parti, Ségolène Royal est fédéraliste, c'est-à-dire qu'elle entend construire une Europe supranationale. Plus que d'autres socialistes, elle est farouchement régionaliste. Elle affirme d'ailleurs : « Si en 2007, les Français nous font confiance, nous ferons une décentralisation jusqu'au bout et sans peur et sans reproche. » Cette vision est une attaque directe contre l'Etat et plus précisément contre l'Etat nation. C'est même  l'attaque la plus classique des partisans de l'Europe néolibérale, qui entendent détruire la France républicaine par le haut, avec le fédéralisme et par le bas, à travers le régionalisme et l'ethnisme. Contrairement à ce qu'affirment les citations suivantes, tirées du journal Le Monde, Ségolène Royal n'est aucunement crédible quand elle se réfère à la Nation, qu'elle viendrait de découvrir, alors qu'elle et son parti, la combattent depuis des décennies.

    Non à l'
    intox :...Sous le titre "Ségolène Royal exalte la nation". Le Monde, journal officieux de la pensée unique, du 30.09.06, affirme : Tout au long de son discours, Mme Royal a exalté la nation et appelé à « refonder le pacte républicain" ». « Plus les insécurités quotidiennes et sociales et les précarités gagnent du terrain, a-t-elle déclaré, plus les Français ont mal à la France et plus ils s'inquiètent de la pérennité de la nation, moins ils sont portés à la vouloir généreuse avec les siens et hospitalière avec les autres. »... «Le National et le social »  Elle poursuit : "Le drapeau tricolore et la sécurité sociale, l'emblème de la République et les outils de solidarité, voilà ce qui cimente en premier lieu l'appartenance commune (...). Car chez nous, on le sait, le national et le social marchent ensemble, et c'est l'Etat qui est garant de cette alliance."  Cela rappelle Jacques Chirac promettant de combattre la « fracture sociale » avant d'aller décider de privatiser EDF / GDF, avec Jospin. Cela rappelle aussi le premier ministre socialiste de Hongrie lorsqu'il reconnaissait  avoir menti, lui et ses amis, à son peuple, là encore au nom de l'Europe, avant les élections.  En effet, des projets fédéralistes porteurs de casse sociale, Ségolène et son parti en parlent très peu. C'est qu'elle a pris conscience du fait que le peuple, quant à lui, fait la liaison entre la République, la question sociale et la nation.

    Le quotidien espagnol El Pais et d'autres, soulignent que «  les deux candidats (Royal et Sarkozy) partagent une autre caractéristique ou plutôt une même maladie grave : « la sondagite aiguë ». « En lieu et place de leaders qui précèdent l'opinion publique, la sondagite aiguë produit des politiques qui courent après l'opinion et lui donne ce qu'elle veut ». En réalité, si l'un ou l'autre était élu, immédiatement, la nation redeviendrait à leurs yeux historiquement dépassée afin de reprendre l'application solidaire de leur programme commun : le Traité de Maastricht et sa suite.

    Nicolas Sarkozy, pas plus que Ségolène Royal, n'est véritablement attaché à la nation. Sarkozy n'est pas davantage crédible quand il essaie de se faire passer pour un gaulliste, voire pour un gaulliste de gauche. Il est dangereux lui aussi. Il trouve son inspiration liberticide dans le courant libéral néo-conservateur américain. Le couple Royal Sarkozy est clairement atlantiste et proaméricain. L'un est connu pour son allégeance à G.W. Bush, l'autre bénéficie d'un soutien de l'impérialisme US, tendance Clinton. Construisons une alternative : l'union du peuple et de la  France républicaine, autour de la souveraineté populaire et du progrès social.  

    Claude Beaulieu. info@comité-valmy.org

    *(Ce terme désigne des régions autonomes allemandes disposant  de leurs propres institutions, système évidemment incompatible avec la Républicaine Une et Indivisible)         

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  • par Alain COTTA, Professeur d'économie à l'université de Paris-Dauphine


    L'euro devait tout nous apporter : croissance. investissement, emploistabilité monétaire. Quelque trois ans après sa création, quels constats peut-on établir sur les conséquences non pas prévues, mais réelles de son avènement ?

    Le premier est que la promesse relative à la croissance et à tout ce qui va avec n'a pas été tenue. Encore est-ce là un jugement tempéré. Comme on peut le constater, non seulement la croissance n'a pas été au rendez-vous, mais la stagnation s'est imposée en France, et une véritable récession en Allemagne. Quelle est la responsabilité de l'euro dans la conjoncture la plus difficile que les pays européens -hors l'Angleterre - aient connue depuis 1975, c'est à dire depuis trente ans ? Comme toujours, lorsqu'il s'agit de déterminer le rôle spécifique d'un phénomène économique parmi tous ceux qui font la conjoncture, la mauvaise foi guette l'observateur. Aussi faut-il avant tout incriminer toutes les autres causes évidentes de ce recul.



    la suite >>> http://www.nationetrepublique.fr/pages/dossiers/europe/euro/cotta2.html


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