• 200 visites d'huissiers à son domicile, 30 procédures judiciaires en cours...

    C'est la réponse de Clearstream et de ses banques clientes ou des autorités judiciaires françaises et luxembourgeoises aux révélations du journaliste écrivain Denis Robert.

    Son seul tort, avoir dit la vérité.


    Face aux moyens financiers colossaux de ses détracteurs Denis Robert ne peut opposer que son énergie, ses livres et sa bonne foi.  Ça risque de ne pas suffire.
    Vu les sommes réclamées et la multiplication des procédures nous avons décidé de lui venir en aide en créant un comité de soutien, amical et financier. Notre but est de collecter des fonds et régler pour Denis Robert les frais d'huissier et d'avocats engendrés par ce harcèlement judiciaire.

    Vous pouvez nous y aider en versant 10 euros ou plus ou moins à l'ordre du «comité de soutien à Denis Robert» et en envoyant votre don à cette adresse.


    (Pour toute question, envoyez-nous un mail à lesoutien@gmail.com)

    Comité de soutien à Denis Robert, BP 93602, 54016 NANCY CEDEX

    http://lesoutien.blogspot.com/


    Aujourd'hui après cinq années de combat en France mais aussi au Luxembourg, en Suisse et en Belgique, Denis Robert ne peut plus suivre financièrement. L'affaire du corbeau et les révélations (ennuyeuses pour le pouvoir en place) de son dernier livre «Clearstream, l'enquête» n'ont pas arrangé les choses : Clearstream a déposé de nouvelles plaintes à Luxembourg et en France réclamant des dommages et intérêts vertigineux. La firme attaque également ses interviews dans la presse. Si l'on prend en compte les plaintes déposées par la banque russe Menatep, la banque générale de Luxembourg, le cabinet d'audit Barbier-Frinault ou celle de Dominique de Villepin, 31 procédures sont en cours en ce moment. Aucune n'est prés d'être définitivement jugée puisque Clearstream ou ses alliés font appel ou se pourvoient en cassation dès lors qu'ils sont déboutés.

    Au total, plus de six millions d'euros de dommages et intérêts cumulés sont ainsi réclamés à Denis Robert, ses témoins, les Arènes et Julliard ses éditeurs ou Canal plus qui a diffusé ses films.

    Sur 28 jugements rendus au 1er juin 2006, Clearstream et ses alliés n'ont obtenu que 3 euros en leur faveur alors qu'ils demandaient entre 100 et 300 000 euros par procédure.

    Nous ne voulons pas laisser Denis seul. C'est pourquoi nous faisons appel à vous pour soutenir concrètement sa défense face au rouleau compresseur de Clearstream et de ses alliés. Par ses livres et ses films, il nous a aidé à mieux comprendre les coulisses de l'hyper finance et les moyens mis en place visant au pillage des États grâce à des boîtes noires comme Clearstream.

    Il est temps pour nous de l'épauler.

    Rémi Malingrëy (dessinateur), Lefred Thouron (dessinateur), Patrick Perrin (artiste), Jean François Diana (universitaire), Yan Lindingre (journaliste), Philippe Pasquet (artiste), Sidonie Mangin (responsable de communication), Marcel Gay (journaliste), Yves Colombain (directeur de MJC), François Festor (chef d'entreprise).


    votre commentaire
  • entretien à L'Humanité du 31/01/07 (droits réservés)

    Régis Debray " Quand Marx ne donne pas la main à Bolivar, ça ne marche pas "

    amérique latine . Rencontre avec le philosophe, trente ans après la mort d'Allende.
    Dans son appartement parisien, Régis Debray accueille  dans un calme instructif. Impression de sérénité et de pondération en toute chose. Pourtant, le philosophe et médiologue nous met aussitôt en garde sur le sujet même de l'interview : " Je ne m'occupe plus des affaires de l'Amérique latine, je lis les journaux, c'est tout ", prévient-il. Un préambule qu'il souhaite voir mentionné. D'ailleurs, il précise aussitôt avoir été " un bon connaisseur " de la région entre 1961 et 1981. Et pour cause. L'histoire du " jeune " Régis Debray est archiconnue (lire ci-contre). Avant la rencontre organisée par les Amis de l'Humanité, samedi 3 février au cinéma l'Écran de Saint-Denis (14 h 30), où seront projetés deux films (1), rencontre avec l'intéressé... plus de trente ans après.

    Qu'avez-vous immédiatement ressenti en apprenant la mort d'Augusto Pinochet ?
    Régis Debray
    . Hélas le grand procès n'a pas eu lieu. Plus exactement : le grand processus d'explication et de dévoilement des rouages de la dictature n'a pas eu lieu. Quant à l'homme lui-même, je dois bien admettre qu'il ne m'a jamais intéressé.

    C'est pourtant celui qui a fomenté le coup d'État et qui a abattu un homme que vous avez rencontré et apprécié, Allende...
    Régis Debray
    . C'est plutôt le secrétaire d'État américain Henry Kissinger qui est en cause dans cette affaire. Nous savons, d'une part, que le coup d'État a été " fabriqué " à Washington et, d'autre part, que Pinochet était une sorte de traître de comédie. Pinochet avait été nommé par Allende sur les conseils du général Carlos Prats (2), qui avait dû démissionner peu avant le coup d'État avant de s'exiler. N'oublions pas que Pinochet passait alors
    pour un loyaliste et un républicain plus ou moins " centriste ". Cela dit, un général ou un autre, ça ne change pas fondamentalement le fond des choses.

    Nous possédons des preuves des implications américaines ?
    Régis Debray
    . Kissinger et le département d'État avaient fait assassiner le général Schneider, accusé d'avoir laissé Allende arriver à la présidence. De même, chacun sait que la CIA avait orchestré et financé l'opposition, la grève des camionneurs, etc. Tout cela est connu.

    Vous avez des souvenirs précis de votre venue au Chili, à l'époque. Quel regard portez-vous sur ce Chili de " l'Unité populaire ", comme vous le qualifiez dans votre livre Loués soient nos seigneurs (Gallimard, 1996) ?
    Régis Debray
    . Il y avait une merveilleuse euphorie à Santiago. La voie chilienne au socialisme était souriante, mais moi à l'époque je n'y croyais pas.
    J'y croyais pour la France (je parlais d'une " voie française ") car la France est assise sur la liberté politique, sur une république parlementaire, sur des organisations de masse, sur des syndicats.
    Mais au Chili je n'y croyais pas : je faisais partie plutôt des objecteurs de gauche. J'étais avec Allende, dans une position un peu réservée mais solidaire. D'ailleurs il m'avait reçu fraternellement. Un documentaire et un livre en attestent : je lui avais demandé ce qu'il en était de l'armée, de l'appareil d'État, de l'impérialisme, etc. Autant le dire, Allende apparaissait, à une certaine  extrême gauche (je ne dis pas les " gauchistes ") de l'époque, comme un bourgeois modéré et méritant, mais alimentant une sorte d'illusion. L'expérience a démontré que ce grand bourgeois fut un héros, puisqu'il s'est suicidé dans des conditions stoïques et stoïciennes, et qu'il y avait en lui une grande radicalité morale. Mais elle n'était pas politique. Ou plutôt... comment dire... c'est compliqué, vous savez. Je ne vais pas me permettre de porter des jugements de valeur, et puis ces faits nous remontent loin en arrière... (Silence.) Allende était partagé entre un instinct parlementaire et un instinct révolutionnaire. Et son problème, c'est qu'il n'a pas su choisir.
    Trop révolutionnaire pour être parlementaire, trop parlementaire pour être révolutionnaire. On se dit après coup qu'il aurait dû, peut-être, appeler à un référendum ou à des élections anticipées, en août 1973, pour quitter le pouvoir décemment. Car il aurait été mis en minorité, mais au moins il aurait sauvé l'Unité populaire comme cadre politique. Il aurait sauvé par ailleurs la vie des militants et des dirigeants. Il a été peut-être trop révolutionnaire pour faire ce choix quelque peu " centriste ", mais il était trop centriste pour penser quelque chose comme une lutte armée ou une résistance extralégale, etc. Le pire, au fond, c'est qu'il voulait sans doute annoncer ce référendum, qu'il aurait perdu mais qui aurait rebattu les cartes, et que c'est en apprenant ses intentions que Pinochet a avancé son coup d'État. Soyons-en sûrs : si Allende avait fait ce choix des élections, ce pas-là aurait été condamné par les révolutionnaires de l'époque, qui auraient vertement dénoncé un " compromis bourgeois ", etc.

    Peut-on dire, donc, que de la part des États-Unis, c'est le premier acte d'élimination d'un chef d'État élu au suffrage universel...
    Régis Debray
    . Les États-Unis n'avaient certainement pas préparé la fin physique d'Allende. Ce qui
    me rend Allende plus admirable, c'est le fait qu'il se soit suicidé et non qu'il ait été éliminé. Parce que, dans ce genre de coup d'État, le " rituel " impose généralement qu'on mette le président déchu dans un avion et qu'on l'exile à Lima ou à Buenos Aires, puis on attend que ça se tasse pendant que l'ex-président taille ses rosiers dans son jardin, et il finit par revenir vingt ans après... C'est ce plaisir-là qu'Allende n'a pas voulu donner à Pinochet.
    Ce suicide est romain et, à mon sens, proprement héroïque. Parce qu'il a fait le choix de mourir pour montrer précisément qu'il n'y aurait pas de compromis, ni moral ni politique. Autrement dit pour montrer l'exemple. En somme, il a montré qu'il s'agissait d'une lutte à la vie à la mort. Ce qui, au Chili, était tout à fait insolite.
    Ce pays est en effet le pays le plus britannique, le plus civilisé et le plus bourgeois du continent. D'ailleurs, entre nous, on a vu venir ce coup, mais pour nous ce qui se préparait était un coup " traditionnel ", si j'ose dire, c'est-à-dire qu'il y aurait quelques chars, une dizaine de morts, qu'Allende aurait été mis dans un avion et qu'à sa place on aurait installé une junte civico-militaire avec des sénateurs démocrates-chrétiens et quelques colonels. Voilà, c'était ce schéma-là qu'on avait en tête à ce moment-là. Mais la sauvagerie du coup d'État n'avait pas été anticipée. Personne ne pouvait imaginer, à l'époque, une pareille barbarie.

    Nixon, dans une réunion avec Kissinger à la Maison-Blanche, parlait même de " tuer ce fils de pute ", selon le témoignage de l'ambassadeur américain à Santiago qui était présent...
    Régis Debray
    . C'est possible, oui. Les Américains n'ont jamais reculé devant un assassinat...
    Dans Loués soient nos seigneurs, vous dites d'Allende qu'il a été comme gommé des annales d'une gauche gestionnaire qui a peur de ses grands hommes...
    Régis Debray. En écrivant cela, je pensais à la gauche socialiste européenne, qui ne semble pas avoir mis Allende dans son Panthéon.

    Qu'est-ce qui les gêne chez Allende ?
    Régis Debray
    . D'abord son échec politique. Ensuite sa radicalité éthique, son intransigeance. Et puis, aussi, cette impression de désastre. Vous savez, François Mitterrand me disait souvent une chose qui politiquement ne manque pas de vérité. Quand je lui faisais reproche, gentiment, de son atlantisme débridé, il me disait : " Voyez votre ami Allende, Régis. On ne peut pas se battre sur deux fronts. Il a lutté contre la grande bourgeoisie et les États-Unis, en même temps et à la fois, il en est mort. Moi, je ne peux pas avoir contre moi à la fois le Figaro et l'ambassade des États-Unis. " C'est assez triste, mais convenons que ce n'est pas sot, sous l'angle du réalisme, pour qui tient à sa longévité.

    Cela dit, Mitterrand n'a pas beaucoup essayé de s'en affranchir...
    Régis Debray
    . Mitterrand était un politique qui connaissait les rapports de forces. Et il avait fait une assez bonne analyse,me semble-t-il, de l'échec d'Allende, qui s'était mis à dos les forces de la grande et de la moyenne bourgeoisie aussi, en même temps qu'il s'était attaqué frontalement aux intérêts américains. Les deux, mon capitaine ! Ça faisait beaucoup.
    N'était-ce pas une forme de cohérence, dans la mesure où ces forces sont associées...
    Régis Debray. Je vous parle de la lecture que pouvait en faire un pragmatique européen et je pense que c'était une lecture sagace du strict point de vue de la Realpolitik. Disons que, à l'époque, pour pouvoir durer quatorze ans au pouvoir, c'était une bonne leçon qu'on avait pu tirer, avec prudence, de l'expérience chilienne.

    Question brutale : Allende mort a-t-il laissé plus d'espoirs que Mitterrand quatorze ans au pouvoir ?
    Régis Debray
    . Allende a inspiré le respect, c'est le moins qu'on puisse dire. Les hommes sont grandis par leur mort, et quand vous mourez au combat, alors ! Mais ne soyons pas amnésiques pour autant : avant la mort grandiose d'Allende, on se moquait beaucoup dans certains milieux de gauche, en Amérique latine, de son goût pour le whisky, les vestes en alpaga, les jolies femmes,
    et même de son côté un peu grand bourgeois franc-maçon... Tout cela faisait l'objet de plaisanteries, pas très méchantes, certes, mais un peu condescendantes.

    Pour vous, comment définir ce continent qui a collectionné bien des dictatures impitoyables et qui, depuis quelques années, bascule massivement plutôt à gauche, en se référant à Bolivar, en se disant plus ou moins révolutionnaire et en contestant souvent la suprématie américaine ?
    Régis Debray
    . Tout cela s'explique assez simplement. Appelons cela l'effet chaudière. Le couvercle sur
    la vapeur finit toujours par sauter. Il y avait une telle iniquité, une telle oppression, une telle corruption, une telle pression impériale sous le couvercle qua sauté.
    C'est une mécanique simple. Je vois ça de loin désormais, et depuis trop longtemps, mais j'observe néanmoins une chose : le seul pays qui a encore un gouvernement de droite, la Colombie, est celui où subsiste une lutte armée. Cela fait réfléchir. La Colombie est le seul pays désormais où existe encore une guérilla active et où les États-Unis se trouvent " chez eux ". Justement : l'accession au pouvoir des Morales, des Chavez, des Lula, etc., s'est passée démocratiquement.

    Cela a-t-il à voir avec le Chili de l'Unité populaire de l'époque ?
    Régis Debray
    . Les guérillas ont été écrasées. On pouvait en tirer la conclusion que la voie armée n'était pas fructueuse. Mais les motifs comme les raisons d'être de la guérilla restaient valides. Donc, je crois que la déduction n'était pas trop mauvaise : arriver même but par d'autres moyens. Nous avons assisté, aussi, à la fusion de beaucoup de facteurs. Il y a de multiples exemples. Un progrès indéniable dans la constitution des organisations sociales et politiques. Le rôle de l'Église catholique au Brésil a été important. Le nationalisme des officiers subalternes, car nous avions une vision trop mécanique de l'armée comme appareil de répression au service de la classe dominante, mais c'est beaucoup plus complexe que cela, etc. Cela dit, le point essentiel, c'est la fusion du nationalisme et du socialisme. C'est l'élément clef. L'affirmation patriotique inséparable de la revendication sociale. Voilà ce qui détermine, pour l'essentiel, le succès.
    Là où les mouvements de guérilla ou de luttes armées n'étaient pas vus comme autochtones ou totalement nationaux, nous voyons aujourd'hui la fusion réussie de la justice et de l'indépendance. Quand la revendication de justice n'est pas liée à la revendication d'indépendance, autrement dit quand Marx ne donne pas la main à Bolivar, ça ne marche pas ! Parce qu'il y a indéniablement une " faiblesse " de la tradition marxiste sur la question nationale, ce qui faisait que les mouvements communistes étaient régulièrement en porte-à-faux en Amérique latine, depuis les années trente. Une fois que les deux courants ont pu se lier, la formule est devenue efficiente.
    Il faut savoir que ce qu'on appelait la " révolution ", en Amérique latine, était un nationalisme révolutionnaire. C'est une tendance qui me va assez bien, sachant, évidemment, que le nationalisme d'un pays dominé n'a rien à voir avec le nationalisme d'un pays dominant. Donc, entendons-nous bien : nous ne pouvons comparer sérieusement le nationalisme français ou américain au nationalisme bolivien ou vénézuélien. L'un réclame le droit à l'empire et à la domination, les autres luttent contre l'empire et la domination. Mais le nationalisme est bien là. C'est un élément moteur. Et puis quelque chose d'important est apparu aussi, ce sont les mouvements indigénistes, qui, à mon époque, étaient quasiment inexistants, ou illégitimes, voire vus avec méfiance par les révolutionnaires eux-mêmes. En somme, des formes de luttes différentes ont connu des points de convergence.

    Et le pétrole ?
    Régis Debray
    . Pour parler brutalement, depuis 1930, le pétrole est de droite. Voilà qu'il devient de gauche. Il était wahabite, il tourne bolivarien. C'est une révolution.
    Ce qui a changé ce n'est pas la gauche, c'est la place du pétrole ! C'est la première fois, avec le Venezuela, que nous voyons en action un discours volontariste qui a les moyens de sa politique : c'est considérable comme chambardement. Ce pays aune rente pétrolière, certes, avec tous les problèmes que ça pose comme paresse sociale, corruption, clientélisme, etc. Enfin, quoi qu'il en soit, voilà un régime qui est campé sur ses deux jambes, maître chez lui et, qui plus est, disposant de ressources pour ses copains. Ça ne s'était jamais vu. Espérons que ça ne tourne pas mal, à la fin.
    Le caudillisme n'a jamais été une solution.
    Les mouvements actuels sont, quoi qu'on en dise, des manifestations de résistance contre l'empire.

    Ne donnent-ils pas raison à Castro ?
    Régis Debray
    . Sous cet angle-là, bien sûr, celui de la résistance. Même si les méthodes ne sont pas les mêmes qu'à Cuba (mais à Cuba en 1959 on pouvait difficilement avoir les mêmes procédures qu'aujourd'hui), effectivement je crois que, dans le sous-continent, Castro garde la force symbolique du mythe mobilisateur.
    Son modèle de société n'est, à terme, ni viable ni enviable, pour nous autres Européens.
    Vous savez, il faut distinguer le rôle qu'on peut jouer dans les rapports de forces internationaux et le rôle qu'on joue à l'intérieur de sa société. On peut être autoritaire à l'intérieur et révolutionnaire à l'extérieur. Staline n'a pas fait que du mal à l'extérieur, que ce soit pour les combattants en Espagne, pour les communistes chinois, pour les Vietnamiens, pour les Congolais, et évidemment pour la libération de l'Europe en 1944-1945. Staline, ce n'est pas seulement la Lubianca, c'est aussi Stalingrad. Essayons donc, toujours, de distinguer entre les plans. Il faut penser le présent politique dans sa complexité.
    Or, vis-à-vis de Cuba aujourd'hui, je ne peux avoir qu'une attitude pleine de nuances, disons un mélange de respect et de méfiance. Je ne m'enrôle ni sous la bannière de la croisade hostile ni sous celle de l'apologie inconditionnelle. Ce " ni-ni " peut être décevant, mais c'est le mien.

    En ce début de XXIe siècle, le cadre électif est-il un passage " obligé " pour tendre vers l'idée même de révolution ?
    Régis Debray
    . Non. Tout dépend de savoir dans quel cadre démocratique ou non s'inscrit une lutte. Là où existent des partis politiques, une presse relativement libre, des syndicats et un Parlement, je crois que la voie électorale s'impose d'elle-même. C'est dans ce cadre-là que la voie armée pose problème, comme on a pu le voir en Uruguay, ou comme on peut le voir actuellement en Colombie.
    On constate là qu'une certaine lutte armée radicalise la bourgeoisie et précipite, à terme, un tournant fascisant. Les circonstances commandent, il n'y a pas de recette ni de modèle prêt à l'exportation.

    (1) Oscar Niemeyer, un architecte engagé dans le siècle, de Marc-Henri Wajnberg, et Septembre Chilien, de Bruno Muel.
    (2) Carlos Prats et sa femme sont morts lors d'un attentat perpétré en 1974, en Argentine, dans le cadre de l'opération " Condor ".
    L'Huma
    : Entretien réalisé par Jean-Emmanuel Ducoin et Charles Silvestre
    Article paru dans l'édition du 31 janvier 2007.


    votre commentaire

  • Les négociations sur le statut final du Kosovo, commencées en février 2006 à Vienne se sont terminées sur un blocage tout à fait prévisible. Martti Ahtisaari, envoyé spécial de l'ONU, a présenté ses propositions au Groupe de contact des six pays qui supervisent la situation dans la province serbe. La tension monte !

    Alors que la revendication indépendantiste albanaise est largement relayée par les médias occidentaux, la position serbe est systématiquement présentée comme une opposition de principe reposant sur une argumentation historique dépassée. Elle est présentée comme le dernier obstacle à surmonter pour résoudre définitivement la crise.

    En décembre 2006 un contact diplomatique avait accepté de répondre de façon anonyme à quelques questions afin de mieux comprendre les arguments et les propositions de la partie serbe.

    Quelles sont les revendications et les propositions de Belgrade concernant l'avenir du Kosovo ?

    Source anonyme : L'approche de la Serbie concernant le statut futur du Kosovo repose le respect du Droit International. Mais il faut tout d'abord rappeler qui a commencé la guerre au Kosovo. Les actions armées des séparatistes albanais en 1997-98 avec un soutien de l'étranger, ont fait des victimes parmi les soldats, les policiers et les civiles serbes et albanais. Ce développement est à l'origine de la réaction légitime de l'armée et de la police serbe, visant à éradiquer ce mouvement séparatiste armé au Kosovo. Le dictat de Rambouillet, rejeté par le gouvernement serbe a été suivi par l'intervention – dite humanitaire - de l'OTAN, qui a abouti à l'internationalisation forcée du problème du Kosovo et l'occupation de cette partie du territoire serbe. La situation qui prévaut actuellement dans cette province est le résultat de cette opération militaire de l'OTAN, initiée hors du cadre de la légalité internationale.

    C'est dans le respect de ses engagements vis-à-vis du Droit international que la Yougoslavie s'est conformée à la résolution 1244 du Conseil de sécurité. Cette résolution confirmait l'appartenance de cette province à la Serbie en autorisant l'entrée de l'OTAN au Kosovo.

    Mais il faut maintenant chercher des solutions concrètes pour l'avenir de cette province, est-ce qu'une position trop légaliste ne constitue pas un obstacle à la paix ?

    Source anonyme : Pour évaluer la situation actuelle du Kosovo, nous nous appuyons également sur le Droit international humanitaire et nous constatons que tous les rapports indiquent qu'aucun des standards en matière de sécurité, de liberté de circulation, de respect de la propriété et du respect des minorités n'est respecté. Le rapport de l'ambassadeur norvégien Kai Eide remis au Secrétaire général de l'ONU en octobre 2005 le confirme. Il faut ajouter l'augmentation dramatique du trafic de drogue qui transite par le Kosovo vers la jeunesse des pays européens: 5 tonnes par années aujourd'hui, contre 1,5 tonnes pendant l'administration serbe. Les décisions unilatérales prises en dehors du cadre de la légalité internationale donnent toujours des résultats catastrophiques et mènent à des situations inextricables. Regardons les résultats des politiques imposées par la force en Irak, au Liban , en Afrique, etc.

    Est-ce qu'une solution politique imposée n'est pas la seule solution pour parvenir progressivement à la mise en place d'un Etat de Droit ?

    Source anonyme : Le projet d'un Kosovo indépendant bénéficie actuellement d'un soutien politique très fort de la part des Etats-Unis, de l'Allemagne, de l'Angleterre et de la Suisse. Ces pressions politiques ne donnent aucune garantie pour le rétablissement d'un état de droit dont les habitants de cette province, les Albanais comme les Serbes et les autres composantes culturelles ont un besoin prioritaire. Encore moins pour plus de 250 000 personnes chassées du Kosovo en juin 1999. Si les mêmes pressions étaient exercées sur le gouvernement mis en place au Kosovo, des contacts directs avec Belgrade deviendraient possibles. Le gouvernement de Serbie est prêt à accepter une solution négociée sur la base d'une large autonomie pour le Kosovo, une solution qui permettra la création d'un état de droit pour l'ensemble de la population qui y vit.

    Très concrètement, si vous êtes opposés à un Etat indépendant au Kosovo quelle solution institutionnelle proposez-vous ?

    Source anonyme : Les autorités serbes sont favorables à une solution basée sur une large autonomie de la province, accompagnée par une décentralisation au niveau communal. Il s'agit de donner aux administrations locales une autonomie administrative suffisante pour être en mesure de s'adapter à la diversité des populations présentes au Kosovo et dans toute la Serbie. La nouvelle Constitution offre toutes les garanties et des droits égaux pour toutes les composantes culturelles qui vivent en Serbie. Elle s'inscrit dans le prolongement des textes précédents, basés depuis plus de trente ans sur une conception citoyenne de la nationalité serbe, indépendamment des appartenances communautaires ou religieuses. Il faut naturellement que les représentants du Kosovo entrent en dialogue bona fide avec les autorités serbes et internationales pour définir le futur statut du Kosovo. En l'absence d'un tel dialogue constructif, on ne peut pas reprocher aux Serbes du Kosovo de rester à l'écart du système parlementaire mis en place à Pristina.

    Les propositions serbes ont-elles un poids suffisant pour être prise en compte ?

    Source anonyme : Le soutien politique en faveur de l'indépendance du Kosovo est bien réel de la part de plusieurs Etats influents. Mais il faut relativiser l'importance de ce soutien car ces Etats doivent être conscient du risque de déstabilisation qui résulterait d'une décision unilatérale. Il ne faut pas oublier que l'Union européenne doit faire face aux mêmes revendications indépendantistes, par exemple en Irlande du Nord, en Corse, au Pays basque ou en Italie du Nord, en Asie centrale, etc. Une décision unilatérale aurait aussi des conséquences désastreuses pour la stabilité des Balkans. Une solution respectueuse du Droit international implique le plein accord de la Serbie, un principe soutenu par de nombreux Etats, dont la Russie et la Chine, tous deux membres permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et disposant du droit de veto.

    Ces arguments plaident en faveur d'un changement d'attitude de la communauté internationale sur le statut futur de la province serbe du Kosovo. Une rectification des décisions - et des préjudices subis - et leur mise en concordance avec les normes fondamentales du Droit international est cruciale pour créer la future stabilité et la justice pour tous les peuples de la région des Balkans et de l'Europe.

    Le gouvernement serbe s'appuie sur le Droit International à propos du Kosovo. Comment expliquer que le Tribunal pénal international pour la Yougoslavie (TPIY) reproche à la Serbie de ne pas collaborer avec la justice internationale ?

    Source anonyme : Le TPIY n'est pas une juridiction qui s'inscrit dans le cadre du Droit international. C'est un Tribunal ad hoc mis en place par le Conseil de sécurité de l'ONU qui ne dispose pas du pouvoir judiciaire. L'Assemblée générale n'a pas ratifié la mise sur pied de ce tribunal, de sorte que la Serbie n'est pas tenue formellement de reconnaître cette juridiction du point de vue de ses engagements internationaux. Malgré ce fait, la Serbie est consciente de la nécessité de collaborer avec cette instance. Pour que cette collaboration soit réalisable, la Serbie a d'ailleurs modifié sa juridiction afin de permettre l'extradition de ses ressortissants. Ce processus a été réalisé dans le cadre du processus constitutionnel.

    Des personnalités serbes ayant exercé des responsabilités au plus haut niveau de l'Etat et de l'armée se sont présentées au TPIY. Parmi eux, MM. Slobodan Milosevic et Milan Milutinovic, tous deux ex-Présidents de Serbie, plusieurs généraux, les plus importants de l'armée et de la police serbe, des ministres et des hauts dignitaires de l'Etat. Après avoir libéré de leur responsabilité les dirigeants albanais Agim Ceku, actuel Premier du Kosovo, Hashim Thaqi et d'autres, le TPIY mérite les reproches les plus sérieux concernant son impartialité.

    C'est donc faire un mauvais procès à la Serbie que de prétendre qu'elle ne collabore pas avec ce Tribunal. Les forces militaires internationales présentent en Bosnie-Herzégovine rencontrent d'ailleurs les mêmes difficultés pour appréhender M. Radovan Karadzic, sans critique de la part du TPIY.

    Propos recueillis en décembre 2006 par Philippe Scheller
    Genève

    michelcollon.info http://www.michelcollon.info:80/articles.php?dateaccess=2007-02-01%2015:29:28&log=invites


    votre commentaire
  • Dans son blog du 5 février, l'un de ceux qui, dès potron-minet, mettent en scène notre vie politique, M. Jean-Michel Apathie, déplore que dans mon interview au Parisien de la veille, j'aie qualifié M. Sarkozy de « candidat du grand capital financier mondialisé, derrière la tête duquel on aperçoit toutes les têtes du CAC 40 ».

    « Ce top 40, écrit-il, est stigmatisé comme la quintessence du capitalisme que nous n'aimons pas, que nous n'aimerons jamais ... Que reproche-t-on exactement [à ces entreprises] ? D'exister tout simplement ? »

    Non, cher Jean-Michel Apathie, je ne leur reproche pas d'exister. Je me borne à décrire la logique qui les meut. Nos grandes entreprises dont le capital est de plus en plus détenu par des fonds spéculatifs sont contraints, par la dictature de l'actionnariat qui les régit, à négliger le long terme, les investissements, la recherche, la formation et la promotion de leurs salariés. Les exigences de rentabilité exorbitantes de leurs actionnaires les conduisent à privilégier le court terme, les fusions acquisitions qui font monter la cote, ou à délocaliser leurs activités dans les pays à très bas salaires et sans protection sociale, au détriment de la stabilité et du progrès social dans les pays d'origine. Voyez le dernier fait d'armes de M. Tchuruk, ce prophète de « l'entreprise sans usines » : la fusion d'Alcatel-Lucent, à peine réalisée, débouche sur la suppression de 12.000 à 13.000 emplois ! Ce n'est pas à M. Jean-Michel Apathie que je ferai le procès d'ignorer ce qu'est la théorie reine de l'acquisition de la valeur pour l'actionnaire et à quoi conduit son application. Tout cela a été fort bien développé par André Orléan et Jean-Luc Gréau, notamment par ce dernier dans un ouvrage profond intitulé L'avenir du capitalisme (chez Gallimard).

    « A quoi bon pointer le doigt sur ces entreprises, demande M. Apathie, si n'en découle aucun mot d'ordre ? ».

    Non, cher Monsieur Apathie, je ne m'en prends pas à ces entreprises mais à la dictature du capital financier qui conduit à la désindustrialisation de la France. Je propose d'y mettre un frein. Il me semble que si les pouvoirs publics avaient été plus attentifs à préserver « un noyau dur d'actionnaires » quelle qu'en soit la forme – public, privé ou salarial -, la France, depuis cinq ans, n'aurait pas vu Pechiney tomber aux mains d'Alcan, Arcelor de Mittal, Thomson de TCL, et les Chantiers de l'Atlantique du norvégien Aker Yards. Nous devrions savoir que quand les centres de décision émigrent, les laboratoires et les usines suivent. C'est justement parce que je pense à nos petits-enfants auxquels je ne voudrais pas léguer une France désindustrialisée que je ne me fais pas le défenseur aveugle des marchés financiers. J'aimerais vous convaincre que le souci de l'avenir de nos entreprises est antinomique avec le développement sans frein de la finance mondialisée.

    M. Claude Askolovitch relaie sur la gauche l'offensive de Jean-Michel Apathie. « Chevènement, s'exclame-t-il sur son blog du 6 février, n'a pas bougé d'un poil depuis la belle époque des seventies, quand la gauche « changeait la vie » ... allait partir à l'assaut des monopoles ... J'avais dix ans et mon Dieu, rien n'a donc changé ? »

    Mais si, cher Claude, les formes du capitalisme, justement ont changé. Il s'est mondialisé. Les marchés financiers ont pris le pouvoir. Les multinationales mettent en concurrence les territoires et les mains d'œuvre au mépris des droits sociaux les plus élémentaires et des normes environnementales qui devraient s'imposer à tous.

    Mais sur le fond, croyez-vous, cher Claude, que l'essence du capitalisme ait vraiment changé ? Vous lisez trop le Nouvel Observateur qui est obligé de réinventer le monde toutes les semaines.

    La vérité est que jamais depuis la « belle époque » d'avant 1914 le talon de fer du Capital n'a été plus brutal. Jamais la soif du profit n'a été plus inextinguible. Jamais la puissance de l'Argent n'a été plus arrogante et, il faut bien l'avouer, jamais plus timoré un socialisme qui n'a pourtant de raison d'être que s'il est d'abord la critique en acte du capitalisme.

    Vous me reprochez de « recharger les Lebel du socialisme ». « Quelle ironie, écrivez-vous, que cet excellent Chevènement soit encore audible et choyé, quelle rage que cet éternel retour ! ». Ne connaissez-vous donc pas ma devise : « Etiam mortuus redeo » (1). C'est que rien de fondamental n'a vraiment changé : tel un vieil arbre que le vent des modes n'a pu déraciner, je contemple, avec Ségolène, un nouveau printemps de la gauche. N'avez-vous par perçu dans son remarquable discours du 6 février, les effluves d'une République plus jeune que jamais, car fidèle à elle-même ?
    ----------
    1)Même mort je reviens


    votre commentaire
  • Le 1er janvier 2007, Angela Merkel a pris la présidence de l'Union européenne. Ses premiers mots furent pour affirmer sa volonté que feu le traité constitutionnel entre en vigueur d'ici 2009. On ne sait ce qui l'emporte, dans ces propos, de l'absurdité ou de l'arrogance. Absurdité parce qu'un tel objectif est totalement hors de portée des dirigeants européens. Il leur a fallu un an pour comprendre (et Valéry Giscard d'Estaing ne l'a toujours pas réalisé – un problème de fin de moi, sans doute) qu'on ne pourrait faire revoter les Français (et les Néerlandais) sur le même texte. Il est désormais question d'en préserver la « substance », en en changeant l'habillage.


    Passons sur la désinvolture du procédé, qui revient à prendre les électeurs pour des benêts. Et souvenons-nous de ce que disaient les partisans du Oui : le texte représentait un point d'équilibre unique entre les intérêts et les conceptions des Vingt-cinq gouvernements – il avait fallu plus de deux ans pour élaborer un tel compromis, négocié finalement aux forceps. Or, depuis près de trois ans, les points de vue des pays-membres n'ont cessé de s'éloigner les uns des autres, entre ceux qui ne jurent que par plus de fédéralisme et ceux qui ne veulent entendre parler que d'un grand marché, ceux qui font mine de vouloir promouvoir un (improbable) « modèle social européen » et ceux qui jettent les bras au ciel en prétendant que feu le traité était déjà limite collectiviste...


     Lire la suite et commander la lettre de BRN


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires